Alain Blanc

Alain Blanc

Les anges dans la bible

Chère Simone,

Permettez que je vous appelle par votre prénom. Après le choc d’hier au soir [vernissage de l’exposition « Vagabonds des anges], je ne peux plus dire chère Madame comme je le ferais avec une inconnue de la rue. Car ce bel événement est un choc comme vous l’avez voulu avec l’architecte de votre exposition. Cela m’a touché et conduit à m’exprimer dans le document joint ci-dessous. Je ne sais pas si cela sera curatif mais enfin…

Que votre témoignage porte ses fruits, ce sont mes vœux, merci et bravo pour l’œuvre en général.

De la bienveillante bonté à la multitude des laissés-pour-compte ou…
des nuées au fond de la cale

D’exposition en exposition depuis 1999 les êtres ascétiques « d’en haut » et leur bienveillance à l’encontre des faibles humains aux défaillances individuelles font place à plus de pèlerins et de voyageurs encore vaillants puis aux démunis  accroupis, abattus, à terre ou au fond de la cale grise comme les plateaux de présentation à la Fusterie. À Grandson il y avait encore de la lumière blanche pour les victimes du tsunami, le prisonnier, le famélique d’Afrique. À Genève, après la haie d’honneur des anges c’est les barricadés, les entassés sur palettes de transport. Chacun avec dignité mais quel poids moral pour les visiteurs qui évoluent à un autre niveau et suivront probablement difficilement  la proposition de se mettre à pied nu malgré le sol ripoliné. Témoignage manifeste mais dérangeant car aucune solution ne se dégage et le risque c’est l’envie de tout envoyer balader d’un revers de l’avant-bras comme devant une de ces vitrines surchargée de poupées et de bibelots fragiles. Je me fais bien comprendre, pas les œuvres symboliques, mais le problème  des échoués. Cela m’a maintenu éveillé la nuit dernière avant de plonger dans un sommeil anesthésiant.

Cela dit les œuvres dans leur exécution, leurs états de surface, les touches de couleurs, le rendu des attitudes statiques ou dynamiques est dans la ligne que vous, la sculpteure, poursuivez avec bonheur depuis de nombreuses années. Les pieds des pèlerins sont toujours aussi grands et les mèneront loin, mais où? Quête sans fin.

Merci Simone !

Jeudi 24 mai 2012

Alain Blanc, Matran